La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu sa décision dans l’affaire C‑527/15 en date du 26 avril.
Cette décision semble intéressante en ceci qu’elle s’inscrit dans une plus large politique de lutte contre la contrefaçon et de protection du droit d’auteur et vient une fois encore réaffirmer l’engagement de l’Union Européenne dans ce combat.
Résumé de l'affaire
Dans cette affaire introduite par le Rechtbank Midden-Nederland (Pays-Bas), l’association anti-piratage néerlandaise avait introduit un recours contre le site internet « Filmspeler » et son gérant proposant à la vente des boitiers multimédias dits « plug-and-play » (boitiers X9) permettant la consultation de sites dits de streaming directement sur la télévision des utilisateurs.
En outre, les boitiers multimédias X9 étaient équipé d’une solution logicielle et d’une interface référençant les sites contrefaisant, facilitant ainsi grandement l’accès aux œuvres proposés par des tiers en infractions au droit d’auteur. Le système se revendiquait si efficace qu’il en faisait la publicité sur son site au moyen de divers slogans : « Plus jamais au cinéma grâce à notre logiciel XBMC optimalisé » ; « Netflix appartient ainsi au passé ! ».
Le gérant du site « Filmspeler » se défendait en arguant ne pas réaliser de communication au public au regard des lois néerlandaises et de l’article 3 de la directive 2001/29 (sur le droit d’auteur) en vendant ledit boitier.
Il était également demandé à la CJUE si la reproduction temporaire en streaming opérée par l’utilisateur final est une utilisation licite au sens de l’article 5 de cette même Directive et, si non, si elle est incompatible avec le « contrôle en trois étapes » que suppose l’article 5.5, de la Directive.
L'avis de l'avocat général
Dans un avis rendu au mois de décembre, l’avocat général indiquait clairement sa position en estimant que : « En équipant ses appareils d’hyperliens renvoyant à ces œuvres dans un but lucratif et en ayant conscience de leur illicéité, M. X aide les acheteurs du « filmspeler » à éluder le versement de la contrepartie qui peut être exigée pour en jouir légitimement, c’est-à-dire la rémunération due à leurs auteurs, qui prend généralement la forme d’abonnements, de souscriptions ou d’autres formules de paiement à la séance ».
Il soulignait par ailleurs la facilité d’utilisation du boitier X9, même pour les utilisateurs les moins aguerris.
Sur la communication au public
Sans grande surprise, dans sa décision du 26 avril, la CJUE s’est rangée à l’avis de l’avocat général en confirmant que la vente du boitier X9 constitue bien une communication au public au sens de l’article 3 de la directive 2001/29.
Cette décision est renforcée par le fait que le gérant du site « Filmspeler » procédait à l’installation délibérée d’une solution logicielle permettant la diffusion directe sur une télévision et contournant la difficulté pouvant être rencontrée par certains utilisateurs à trouver les sites de streaming qui peuvent être difficiles à identifier, notamment du fait de leur changements réguliers d’adresse et de forme.
En outre, la Cour souligne que « la fourniture du lecteur multimédia est réalisée dans le but d’en retirer un bénéfice, le prix acquitté pour ce même lecteur multimédia étant versé notamment pour obtenir un accès direct à des œuvres protégées, disponibles sur des sites de diffusion en flux continu sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ».
Sur les actes de reproduction temporaire
La Cour juge également que les actes de reproduction temporaire, sur ce lecteur multimédia, d’une œuvre protégée par le droit d’auteur obtenue par « streaming » sur un site Internet appartenant à un tiers proposant cette œuvre sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, ne sont pas exemptés du droit de reproduction.
En effet, selon la directive, un acte de reproduction n’est exempté du droit de reproduction que s’il remplit cinq conditions, à savoir lorsque :
Ces conditions sont cumulatives en ce sens que le non-respect d’une seule d’entre elles a pour conséquence que l’acte de reproduction n’est pas exempté. De surcroît, l’exemption n’est applicable que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et qui ne causent pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.
En l’occurrence et compte tenu, en particulier, du contenu de la publicité faite pour le lecteur multimédia et du fait que le principal attrait du lecteur réside dans la pré-installation des modules complémentaires, la Cour considère que c’est de manière délibérée et en connaissance de cause que l’acquéreur d’un tel lecteur accède à une offre gratuite et non autorisée d’œuvres protégées.
Compte tenu de ce qui précède...
La Cour conclue que les actes de reproduction temporaire des œuvres sur boitier x9, sont de nature à porter atteinte à l’exploitation normale de telles œuvres et à causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires du droit d’auteur, dès lors qu’il en résulte normalement une diminution des transactions légales relatives à ces œuvres protégées.
Source
Vous pourrez accéder au texte complet de la décision en suivant ce lien : Décision C527/15 du 26 avril 2017.